Article paru le 02 septembre dans le magasine Voiles et voiliers
Deux pères de régatiers se lancent dans la construction d’un voilier en fibre de lin
Alors que le nombre de fabricants de voiliers de la classe Europe se fait rare, deux ingénieurs se sont lancé le défi de construire eux-mêmes un bateau pour leurs fils, régatiers. Un dériveur qu’ils ont voulu en fibre de lin et qui a mobilisé six étudiants en BTS Construction Navale.
Cela fait plusieurs années que Titouan, 17 ans, et Mathieu, 19, naviguent sur des bateaux de la Classe Europe. Des petits dériveurs de 3,35 mètres de long qui dépassent à peine les 60 kg. Ce qui en fait des bateaux assez fragiles.
« On est régulièrement obligés de les rafistoler », souligne Pierre Fresse, le père de Titouan. Et les réparations se multiplient avec le temps. Car les voiliers de la classe Europe se font rares. « Il n’existe pas de fabricant en France et seulement deux en Europe : en Espagne et en Angleterre », regrette Roger Simon, le père de Mathieu.
Pour offrir un bateau neuf à leurs enfants, Roger Simon et Pierre Fresse, respectivement ingénieur dans les télécommunications et dans l’automobile, ont décidé de construire eux-mêmes un bateau. Mais pas n’importe comment ni avec n’importe quels matériaux.
« Nous avons choisi la fibre de lin, d’abord parce que la France est le premier producteur mondial, mais aussi parce que ce matériau a la même tenue que la fibre de verre. On espère ainsi contribuer à l’intégration de nouveaux modes de construction pour les coques de bateaux », précise Roger Simon.
Le skipper Roland Jourdain s’était déjà essayé à la navigation sur un catamaran en fibre de lin. Un bateau avec lequel il a participé à la Route du Rhum 2022.
Et via son laboratoire d’innovation MerConcept, François Gabart, en partenariat avec l’Ifremer, a également planché sur l’utilisation du lin pour les bateaux de course. Avec ces expérimentations, l’enjeu est notamment d’améliorer la recyclabilité des coques de bateau. Car la fibre de verre, mélangée à la résine, font du matériau composite un élément non recyclable.
« L’objectif est de trouver une résine qui permet d’être dissociée de la fibre. Pour le moment, même avec la fibre de lin, ce n’est pas le cas », se désole Roger Simon.
Six étudiants ont planché sur la construction du voilier
Pour apporter leur pierre à l’édifice et mettre sur pied leur projet, les deux pères de famille, plutôt habitués des croisières et de la navigation de plaisance, ont d’abord fait « jouer leurs relations ». Ils ont ainsi déniché un moule d’Europe chez le constructeur d’Optimist, Erplast.
« Nous avons ensuite noué un partenariat avec les étudiants et les enseignants du BTS Construction Navale, du lycée Aristide-Briand, à Saint-Nazaire », précise Pierre Fresse.
Pendant toute la dernière année scolaire, six étudiants ont planché sur la construction du voilier.
« On voulait travailler avec des personnes ayant des compétences dans la construction nautique. De notre côté, on s’est occupé de la partie approvisionnement en lin. C’est un projet innovant, qui a enchanté les élèves », assure Pierre Fresse.
Au total, le projet aura coûté environ 6 000 € aux deux ingénieurs. « C’est sûrement un peu plus cher que pour une entreprise qui les fabrique en série. Mais on a trouvé des fournisseurs sympas et on s’en sort plutôt bien », estime Roger Simon
Les premiers essais prévus mi-octobre
Pour les pères de famille comme pour les étudiants, l’objectif était de présenter le bateau au moment de la régate National de Printemps, près de Strasbourg, fin avril.
« L’idée était de le montrer aux coureurs. On a pu partager cette construction avec eux », se réjouissent les deux créateurs. Désormais, il ne reste plus que l’accastillage et les premiers essais pourront être faits à partir de mi-octobre.
« L’idée est désormais que nos enfants naviguent avec. Puis on en fabriquera sans doute un deuxième, pour que chacun ait le sien. »